TONHNON


LEPREUCHEUVALIER




Sommaire


Chapitre I


TEL LE SOLEIL LEVANT




Glahr était petit et maigre. Ses épaules voûtées (phénomène plus accentué du coté droit) déformaient sa silhouette et ses jambes, osseuses et courtes, ne lui permettaient de se déplacer qu’avec un clopinement caractéristique. Sa tête, d’un gris sombre uniforme, était couverte de verrues, ses oreilles étaient pointues, ses dents acérées et ses petits yeux, profondément enfoncés dans leurs orbites, lui donnaient un regard vicieux. En fait, il était plutôt bien foutu..... pour un Gobelin....

Mais dès sont plus jeune âge il compris qu’il était différent de ses pairs. Etant le plus malingre de sa famille (qui regroupait pourtant plus d’une centaine d’individus) il avait toujours été un souffre douleur que ses frères et cousins martyrisaient par jeu. Inlassablement il répétait « Mais cette violence sans but ne trouve t elle son auto - justification que dans mon indigence physique pourtant largement compensée par mes capacités de réflexion étendues ? Car après tout la famille n’est elle pas un tout qui est riche de la diversité des membres qui la compose ? »... et inlassablement ils lui écrasaient la tête à coup de rochers.....

Peu à peu la rancoeur s’était installée et commençait même à céder la place à un désir de revanche. Il les avait pourtant prévenu : « Un jour mon ire grandissante explosera dans le feu et le chaos, cessez cette folie, reprenez vos esprits avant de connaître mon incommensurable courroux ! »... et ils lui avaient de nouveau écrasés la tête à coup de rocher....

S’en était trop, il devait laver son honneur. Ne pouvant se venger physiquement de ses bourreaux il décida d’utiliser l’arme qu’ils avaient méprisés jusqu'à présent : son génie sans borne !

Il commença par recenser les ennemis de sa race, mais il y a peu de communication entre familles et la seule menace redouté de toute la famille était les humains : ça faisait longtemps qu’il avait cessé de croire à ces histoire de Gobelins verts qui vivraient dans les collines loin à l’ouest.

Les humains par contre représentaient une force importante : ils avaient un fort à moins de deux jours de marche et organisaient régulièrement des raids. Déjà à plusieurs reprises les Gobelins avaient dut détruire des tunnels pour les empêcher d’atteindre les salles inférieures et même les plus braves n’osaient s’approcher du fort, certains même refusaient de sortir. Or les humains avaient construit leur installation sur un col et pour atteindre la vallée, riche et fertile, la famille avait dut commencer à creuser la montagne pour passer dessous. Mais c’était un travail de longue haleine : même les plus jeunes n’en verraient sûrement pas la fin.

Sa décision était prise : il rejoindrait les humains et il leur demanderait de lui apprendre à se battre. Il ne voulait pas les conduire chez lui. Il n’était pas un traître : il assouvirait lui même sa vengeance. Il vivrait debout quelque qu’en soit le coût et lorsqu’il se leva les premiers rayons du soleil apparurent à l’horizon. Les premières lueurs du jour éclairèrent son visage volontaires et il parti dans un éclat de rire terrifiant qui lui valu un grand coup derrière la tête.

Il pris donc la route et, enfin, mis pied sur l’esplanade rocheuse devant les fortifications. Sa vue sembla surprendre les sentinelles et en quelques instant les remparts grouillaient de soldats armés jusqu’aux dents qui observaient anxieusement les alentours. Indubitablement ils croyaient à une diversion de sa part pour cacher quelque sombre dessein. Riant de la méprise il s’avança et s’arrêta à quelques mètres des murailles.
Enfin un humain sortit. Il était revêtu de métal des pieds à la tête et Glahr n’avait jamais rien vu d’aussi impressionnant. Il ne s’étonnait plus maintenant de la terreurs que les humains inspiraient parmi les siens.
L’humain s’arrêta juste devant lui et commença à lui parler dans un langage inintelligible... bien que doué pour la guerre cette race ne semblaient pas très évoluée : elle ne semblait pas capable de s’exprimer correctement. Il tenta vainement de faire comprendre à son interlocuteur qu’il désirait apprendre la science des armes puis, en désespoir de cause, se résolu à lui faire comprendre par geste. Il lui désigna donc la masse d’arme qui pendait à son coté droit. Etonné l’humain désigna à son tour l’objet avec un regard étonné. Tout heureux d’avoir réussit à se faire comprendre Glahr secoua la tête rapidement de haut en bas avec un grand sourire qui découvrit sa dentition chaotique. L’humain sembla hésiter, haussa les épaules puis sembla et résigner et lui en assena un coup magistral sur le crâne. La dernière chose que Glahr entendit fut les rires et la clameur joyeuse qui montaient des remparts.

Il se réveilla dans l’enceinte du fort enchaîné dans la cour : un humain au regard torve et mauvais lui faisait face (il lui paru immédiatement particulièrement sympathique). L’homme ne cessait de le designer du doigt en répétant le même mot.... il tenta de s’expliquer mais l’humain semblait s’énerver. Il s’acharnait à l’appeler "Tonhnon". Il devait s’agir d’un rite initiatique pour être accepté dans sa famille (après tout cela arrivait aussi parfois chez les gobelins). Pour lui montrer sa bonne volonté il se désigna lui même du doigt et montra qu’il acceptait ce titre : désormais il renaissait et chez les humains on le connaîtrait sous l’appellation de "Tonhnon" (en plus il aimait bien les sonorités de ce mot). L’homme sembla surpris puis éclata de rire. A partir de ce jour il fut accepté par les humains et tous lui reconnaissait le droit de posséder un nom humain. Certains le frappaient parfois et il voyait bien qu’il était le seul qui se faisait battre ainsi. Il était étonnant que des être aussi primaires aient compris qu’un changement trop brutal de style de vie pouvait être néfaste pour son équilibre mental aussi ne manquait il jamais de remercier ses bourreaux d’un large sourire. Petit à petit les humains semblèrent se lasser et ils le laissèrent tranquille.
Plusieurs fois ils le sortir du fort attaché, sans doute pour qu’il les mène à sa famille... mais son plan était tout autre et il se contentait de les amener à des lacs de montagne pour pécher : la nourriture abondante que les humains lui jetaient (parfois plusieurs fois par jour !) était nettement meilleur que les champignons souterrains qui avaient fait son ordinaire depuis sa naissance mais le poisson avait toujours été son péché mignon et maintenant qu’il n’avait plus à craindre une patrouille humaine....

Les humains changeaient souvent dans le fort, seuls quelques uns restaient et ils semblaient enseigner leur savoir aux autres. Tonhnon ne perdait pas une miette des entraînements. A la longue il arrivait même à comprendre certains mots simple : il semblait en effet que les borgorismes émis par les humains ne leur permettent de communiquer de manière beaucoup plus fine qu’il ne l’avait d’abord cru. Il avait ainsi appris que les humains les plus puissants, ceux qui terrifiaient ses frères, s’appelaient chez les humains "Leupreucheuvalier".

Il était maintenant libre d’aller et venir partout dans le fort, sauf près des portes (ce qui lui valait invariablement un coup de pied) et des dortoirs (on lui écrasait invariablement la tête contre un mur). Il compris alors qu’il avait apprit ici tout ce qu’il pouvait y apprendre. Il ne serait jamais accepté comme un des leur : il devait faire ses preuves et pour cela partir comme tous ces humains qui retournaient vers la vallée. Il prépara alors ses adieux, usant de tout le vocabulaire qu’il avait assimilé.

Un jour il mit un casque, saisit une épée courte et la levant au ciel commença à déclamer..... son discours sembla profondément marquer les humains : ils se réunir autour de lui et tout d’abord ne dire rien. Puis celui qu’il considérait comme leur chef se mit à hurler, les humains couraient en tout sens, Tonhnon se senti saisi de tous cotés, tiré, poussé et avoir d’avoir compris ce qui ce passait il était harnaché des pieds à la tête. Ils lui amenèrent alors une monture : un mulet (ils avaient même compris que sa petite taille l’empêchait de monter sur leurs grands chevaux). Il tenta de se mettre en selle mais le poids de son armure (un peu rouillée certes mais quelle importance ?) et son inexpérience le faisaient basculer et il s’écrasait régulièrement de l’autre coté. Autour de lui les humains le regardaient en riant les bras croisés : une nouvelle épreuve initiatique sans aucun doute mais il saurait s’en montrer digne. Enfin il parvint à rester en équilibre instable sur l’animal et tous l’acclamèrent. Il connaissait enfin son instant de gloire. Ils ouvrirent les portes et, accroché au cou de sa monture, aveuglé par la visière de son casque qui ne cessait de tombée, déséquilibré par le bouclier en bois (passablement ébréché mais cela prouvait qu’il avait déjà servit dans les mains d’un brave) fixé dans son dos et la lance qu’il tenait en essayant tant bien que mal de ne pas blesser son fier destrier avec, il s’élança doucement vers la route escarpée qui descendait à flanc de falaise.

Sur les murailles tous les humains du fort s’étaient rassembler et ils riaient en hurlant ce cri de guerre qui serait désormais le sien, le cri de guerre de Tonhnon leupreucheuvalier : « TOMBRATOMBRAPA ! »



Chapitre II


SUR LA ROUTE DES MONTAGNES NOIRES





Le soir tombait... Au loin le soleil se couchait sur la plaine...

La plaine... c’était la première fois qu’il la voyait. Il avait vaincu les montagnes. Il était enfin arrivé en bas... et sa monture ne tarderait sûrement pas à le rejoindre...

La chute avait été longue et son équipement avait un peu souffert. Mais peu lui importait. Sa foi en son bras était intact.
Clopinant, s’appuyant sur sa lance il quitta le couvert des grands sapins, remerciant silencieusement leurs branches majestueuses d’avoir ralentit sa descente, jeta un dernier regard derrière lui vers ces montagnes qui l’avaient vu naître et il partit sur un petit sentier vers la gloire et la puissance.

Il marcha une bonne partie de la nuit et s’écroula de sommeil au pied d’un rocher.
Il se réveilla en sursaut. Le soleil était déjà haut dans le ciel et des hurlements semblaient venir de tout près. Il se leva difficilement, son corps engourdit ne répondais pas comme il l’aurait souhaité. Il enfila son armure, s’y prenant à plusieurs reprises pour l’enfiler correctement, puis son casque. Il mit un temps certain pour retrouver son lance dans le noir complet (il fallait vraiment qu’il fasse réparer la visière de ce casque) et dut se rendre à l’évidence : son bouclier avait disparu, on avait du lui dérober pendant la nuit. Le coeur emplit de rage il se précipita dans la direction des cris. Les cris avaient cessé depuis un certain temps lorsqu’il arriva sur les lieux du drame.

En face de lui se tenaient quatre sinistres individus. Deux créatures de plus de deux mètres de haut, le toisaient avec un regard bovin, il s’agissait visiblement de Trolls. Tonhnon avait déjà entendu parler de ces lointains cousins de sa race mais il avait toujours considéré que les fables qui se racontaient étaient exagérées et n’avaient qu‘une infime parcelle de vérité. En fait, c’était pire que tout ce qu’il avait entendu. Le premier portait une masse monstrueuse qui dégoulinait encore de sang. A elle seule la masse était plus grande que Tonhnon et devait peser deux ou trois fois plus lourd que lui. Le second tenait une jambe. Le propriétaire de la jambe avait du, bien involontairement, servir d’arme contondante et son organisme n’avait pas supporté le choc. Le troisième membre de groupe était un Orc. Tonhon connaissait les Orcs. Il en avait déjà rencontré une fois : c’était des combattants hors pair violents et vicieux. Celui ci paraissait plutôt civilisé : il portait une armure qui avait du appartenir à un humain et léchait une sorte de sabre à la lame complexe en le regardant bizarrement. Enfin, le dernier était un Gobelin comme lui. Enfin, disons plutôt un Gobelin comme ses frères : il s’acharnait à coup de cuillère sur un humain de forte carrure visiblement déjà mort depuis un certain temps.
Mais ce Gobelin était VERT ! Il existait donc bien plusieurs sortes de Gobelins !

Au sol cinq corps reposaient particulièrement abîmés : deux femelles et trois mâles humains qui ne portaient visiblement pas d’armes et avaient sans doute poussés les cris qui l’avaient réveillé.

N’écoutant que son courage il pris la parole : « ha... je vois que vous avez réussit à vous défaire de vos agresseurs. J’accourais à votre secoure : je sais comme les humains peuvent être retords... »

Un silence plana... Le Gobelin cessa un instant de frapper, l’Orc cessa de lécher son arme... Les Trolls se regardèrent puis se tournèrent vers lui un grand sourire sur les lèvres : « Amiiiiii... » et ils le saisirent chacun par un bras pour le serré contre leur coeur. L’armure commença à se tordre en émettant un bruit sourd de mécontentement. Dans son dos le bouclier se brisa (« ha oui s’est vrai il était resté accroché, on me l’avait pas piqué »).
Enfin ils le lâchèrent... et il tomba lourdement au sol.
Le Gobelin avait recommencé à taper, l’Orc marcha vers lui et lui adressa la parole d’une voix gutturale : « tu tombes bien on cherche un barman »
Tonhnon se releva et fit un grand sourire : « Je tombe bien mais il ne faudrait pas que ça devienne une habitude ».
Seul un silence lui répondit : ses interlocuteurs n’avaient visiblement pas comprit son trait d’esprit.
Il réfléchit très vite : s’opposer à ces individus conduirait immanquablement à une fin horrible, douloureuse et prématurée. De plus, cet Orc serait un professeur de choix pour apprendre à se battre et la présence de ces deux Trolls serait un avantage agréable en attendant qu’il soit capable de se défendre par lui même. « Très bien j’accepte de me joindre à vous ! »
L’Orc sembla étonné : « Je t’avais pas demandé ton avis... »
S’ensuivit une seconde séance d’embrassade avec les deux Trolls visiblement très câlins et les craquements sinistres de son armures firent penser à Tonhnon qu’il ne survivrait pas à une troisième séance.

« C’est pas tout ça mais on se casse... »
C’était le Gobelin qui avait pris la parole. Il avait finit de s’acharner sur le cadavre et semblait calmé. Il regardait maintenant les environs d’un air anxieux.
Les Trolls se dirigèrent vers une charrette et commencèrent à la tirer sous le regard perplexe de leur nouveau compagnon : « pourquoi vous utiliser pas des boeufs ? »
Le Gobelin démarra au quart de tour « Y en avait mais ils les ont bouffés ces nuisibles ! »
« Ben quoi ! il nous fallait des forces pour tirer la charrette... »
« Mais gros niais y avait pas besoin de tirer puisqu’on avait les boeufs ! »
« Ben non puisqu’on les avait mangés... »
Et sûr de son raisonnement le Troll commença à tirer sans effort apparent le véhicule lourdement chargé.

Pendant que les Trolls tiraient l’Orc marchait à coté en surveillant les environs et les Gobelins s’étaient perchés sur les tonneaux qui emplissaient la charrette.
Tonhnon appris alors avec effarement que dans une région voisine, au pied des montagnes noires, toutes les races se côtoyaient sans animosité. Au sein de ce paradis terrestre cette joyeuse bande avait décidée d’ouvrir un bar et ils étaient donc partit en expédition pour se fournir de la matière première directement chez un petit producteur.
Tonhnon regardait maintenant ses compagnons avec un regard différent : il s’agissaient de libres entrepreneurs qui, par delà les frontières raciales, avaient décidés de s’unir dans le but louable de gérer ensemble un lieu de vie et de rencontre où une population cosmopolite pourrait se réunir autour d’une pinte pour rire et s’amuser.
Tant de bonne volonté et d’abnégation l’amenèrent au bord des larmes et Tonhnon se jura de mettre son idéal égoïste de coté et de faire sien ce but.

Ils voyagèrent pratiquement sans escales pour arriver plus vite. Il faut dire aussi que le Gobelin était contre tout arrêt pour préserver les stocks de matière première. Ils s’engagèrent dans la forêt vers l’est, s’éloignant de la plaine et se dirigeant vers un col bas qui donnait sur la vallée voisine.

Mais avant d’y arriver des sons discordant leurs parvinrent : la chose qui émettait de tels sons devaient souffrir, ou n’avait aucune oreille musicale. Ils rejoignirent bientôt une créature de petite taille qui marchait à coté d’un âne lourdement chargé. Il s’époumonait pitoyablement en y prenant visiblement un certain plaisir.
Les Trolls pressèrent le pas et entamèrent un dépassement par la droite particulièrement audacieux sur cette route de montagne... La créature arrivait à peine au genou du Troll et ne s’aperçut de sa présence que quand celui ci arriva à sa hauteur.
Il leva les yeux et s’arrêta sur place la bouche ouverte. Le Gobelin semblait avec du mal à se retenir et c’est vrai que cet air niais et ces grosses joues donnait vraiment envie de lui mettre des claques. Les Trolls ne semblaient pas particulièrement énervés mais salivaient beaucoup.

Plein d’espoir l’inconnu leur sourit : « Bonjour »
« Gnü »
le Troll le plus proche le souleva du sol en le tenant par le col....
« Vous pouvez y aller ça tiendra c’est du solide c’est moi qui les vend... »
Aux coté de Tonhnon le Gobelin s’excitait de plus en plus : « laissez le moi, laissez le moi »
Il brandissait sa cuillère et semblait prêt à réduire l’inconnu en bouilli.
L’Orc avait rangé son arme et sortait maintenant un couteau de cuisine : « C’est bon le Hobbit »
C’était donc un Hobbit...
Grace à ses nouveaux compagnons Tonhnon allait découvrir un paradis terrestre de bonne entente entre les peuples, visiter des terres inconnues...
Il avait déjà appris que les Gobelins verts existaient et avaient rencontré une nouvelle race, d’une taille proche de celle de sa race mais plus gros et surtout qui avait très bon goût.
Combien d’autre merveilles allait il voir ?
Seul le futur le lui dirait et il s’endormait chaque soir en rêvant à des lendemains rieurs.




Chapitre III


LE TROLL QUI PETE






Tonhnon Sourit.
« Au Troll qui pète »
Certes il n’avait pas choisi ce nom, il avait voté pour « L’Antre de la Joie » mais ses nouveaux compagnons avaient d’un commun accord décidé de se passer de son approbation. Qu’importe, l’enseigne flottait maintenant noblement au dessus de la porte et Tonhnon sentait la fierté l’envahir : il avait une maison.
Qu’elle lui semblait loin l’époque où il courait nu dans les grottes de sa tribu. Comme il lui semblait loin le temps ou il n’était qu’un avorton brimé par ses pairs et humilié sans cesse.
Il était maintenant chez lui... ou presque. En fait ses camarades étaient parti trouver le propriétaire des lieux pour régler les dernières modalités. Ils revinrent un grand sourire sur les lèvres : le propriétaire venait de décéder et qu’il était sans héritiers. Ils avaient donc pris le titre de propriété. Tonhnon était conscient qu’ils étaient peu être en marge de la légalité mais il interpréta cette mort opportune comme un signe du destin : On favorisait son oeuvre, On l’encourageait à persévérer dans la nouvelle voie qu’il s’était tracée et On serait content de lui.

Tonhnon n’avait jamais eu un sentiment religieux très développé mais force était de constaté que le destin guidait ses pas : il devait être écrit quelque part qu’il tiendrait un bar pour permettre à toutes les races de se rencontrer et se réconcilier autour d’une chope.

Il regarda ses compagnons : Gnü et Gnä, les deux Trolls, défonçaient consciencieusement le mur du fond pour agrandir la salle (ce qui sembla contrarier passablement le propriétaire de la maison d’à coté), Shraam, l’Orc, était parti chercher des clients dans une auberge voisine (il avait parlé de « dégustation gratuite » mais avait oublié d’emmener un tonneau) et Jrojro, le Gobelin, s’excitait sur des feuillets qui devraient, à terme, servir de livre de compte.
Quelle équipe !

Shraam revenait déjà avait deux clients sur l’épaule : Leurs premiers clients !

« Bonjour Messieurs, laissez moi vous souhaiter la bienvenu dans l’auberge du "Troll qui pète", tout le personnel se joint à moi pour vous souhaiter de passer en ces lieux des moments enchanteurs et inoubliables. »
« TIIIIIIIMBER ! »
Un pan entier de mur vint s’écraser sur la table, ensevelissant la moitié des consommateurs.
« Heu.... laissez moi vous installer plutôt près de la fenêtre : nous faisons quelques travaux et de plus cela vous permettra de bénéficiez d’une vue agréable sur l’animation de la rue .»

Des éclats de voix venaient du fond de la salle : depuis la disparition de son mur le voisin était « de facto » devenu client et les Trolls s’étaient mis dans la tête de lui faire payer la bière qu’il était en train de boire. Il s’avéra que quand un Troll a une idée dans la tête il est très difficile de lui faire changer d’avis et le pauvre voisin l’apprit à ses dépends et à coup de masse, dans la tête également.
Sans doute irrité le voisin parti (sur un coup de tête).
Mais Tonhnon n’eut pas le temps de s’intéresser de près à cette affaire : il s’était aperçu que le prix des boissons n’avait pas encore été fixé et il était bien en peine pour réclamer son dut à son premier client.
Heureusement Jrojro vint à son secours : regardant dans la bourse de l’individu toujours inconscient il s’aperçut qu’il y avait justement exactement le compte. Une nouvelle fois le destin avait frappé.
Les Trolls aussi visiblement car le voisin traversa la pièce en volant : il était revenu avec une arme qui ferait très décoratif au dessus de la cheminée.

Peut être aurait il fallu attendre un peu d’être fin prêt avant d’ouvrir les portes à la clientèle. D’un autre coté cette joyeuse tohu-bohu faisait un peu d’animation et donnait à l’ensemble une atmosphère bon enfant et une effervescence de bon ton.

Gnü s’approcha : « Faut un Hobbit en cuisine !»
« Comme cuisinier ? » « Non comme plat du jour. »
Indubitablement il serait difficile de répandre des idéaux de bonne entente entre les peuples à partir du moment où ils apparaissaient sur le menu. Mais dans un premier temps il fallait se faire un nom sur la place et pour cela s’adapter à se clientèle.

Un Gobelin entra... il était encadré par quatre Orcs armés de massues qui avaient l’air passablement belliqueux. Cinq clients d’un coup ! Et dès l’ouverture !
« mais entrez donc Messieurs et prenez place. Ne faîtes pas attention au désodre nous finnissons de nous installez mais nous faisons tout pour améliorer le cadre et pouvoir accueillir sous peu nos clients dans les meilleurs conditions. »
« LA FERME ! »
Deux des Orcs encadraient maintenant Tonhnon tandis que les deux autres avançaient lentement en renversant les tables qui se trouvaient sur leur passage.
Le Gobelin pris la parole : « Tou a oune zoli petite taverne et il zerait dommage qu’il n’arrive oune accident... »
« Indubitablement, mais c’est le lot de chacun. Nul n’est à l’abri d’un impondérable... »
« Tou n’a pas l’air d’avoir compris... yé zuis venou pour te donner oune chanze de garder ton bien... »
« Visiblement vous n’êtes point un rhétoricien de premier ordre et semblez avoir du mal à exprimer vos idées sans circonvolution autour de l’objet réel de votre visite.... Vous serait il possible de vous exprimer plus clairement ? »
Visiblement son interlocuteur s’énervait sérieusement mais Tonhnon prenait garde à ne pas se départir de son plus beau sourire.
A ce moment un craquement monstrueux retenti et Gnä traversa le plafond, écrasant deux des Orcs dans sa chute. Sous le choc le lustre se décrocha et écrasa un troisième Orc. Le dernier recula brusquement et marcha malencontreusement sur le pied de Gnü qui le pris assez mal et lui exprima vivement (et violemment) sa désapprobation.
Le Gobelin, d’abord cloué sur place commença à marcher doucement lorsque Shraam apparu dans l’embrasure un autre client sur l’épaule et un grand sourire sur les lèvres.
Le Gobelin poussa un hurlement et sauta par une fenêtre pour s’enfuir à toute jambes dans la rue.

Tonhnon était hors de lui : « C’est malin vous faites fuir les client ! »
Gnä regardait béatement le plafond : « en retirant ça on aura une salle vachement plus haute... »
Gnü de son coté tentait tant bien que mal de dissimuler le cadavre de l’Orc derrière son dos : « c’est lui qu’à commencé... »
Tonhnon se senti très las...

Jrojro jailli de la cuisine : « j’ai calculé que si on vend le même verre à deux personnes différentes on gagne deux fois plus d’argent ! Il suffit d’attendre qu’ils soient bourrés et après on leur vend des verres vides ! »
Tonhnon refusait de s’intéresser à ces contingences bassement matérielles et se mis en devoir de remettre un peu d’ordre dans la pièce dévastée.
Il leurs faudrait des ouvriers : pour détruire les Trolls étaient particulièrement doués mais pour les aménagements intérieurs il était plus prudent de s’en remettre à des professionnels.

Shraam se proposa immédiatement pour le recrutement : c’était un chasseur de premier ordre et la traque était sa passion, fusse la traque de deux menuisiers et d’un architecte d’intérieur.

Le soir même les travaux commençaient sous le regard ravi de Tonhnon. Quelques voisins vinrent bien se plaindre du bruit mais Gnü et Gnä leur proposèrent un siège et cette nuit là les affaires furent florissantes. Les ouivriers, artisans amoureux du travail bien fait refusèrent tout salaire. Tonhnon ne savait comment les remercier d’une telle générosité et, si cela n’avait dépendu que de lui, ils n’auraient même pas payé leurs consommations.

Cette fois c’était la bonne. La première journée avait permis de faire leurs première armes et d’optimiser leurs contacts avec le public. Cette nuit blanche de travail avait transformer un chantier bien peu accueillant en superbe établissement. La taverne dispossait maintenant d’une mezzanine et les meubles du voisin avait permis de donner un cachet particulier à l’ensemble, chaud et vivant.

Tonhnon était fier du résultat et il savait qu’il pouvait compter sur ses compagnons pour l’ouverture officielle.




Chapitre IV


LA BIERE DES NAINS



La matinée servit à prendre un peu de repos, l'ouverture officielle n'aurait lieu que le soir et chacun devrait être au mieux de sa forme.
Mais un point taraudait Tonhnon : leurs réserves de bières seraient elles suffisantes ? En effet, les travaux avaient donnés soif aux Trolls et ils s'étaient largement servis dans la réserve. Il était trop tard pour aller se réapprovisionner de l'autre coté du col, où donc trouver de la bière de bonne qualité et à peu de frais ?
Jrojro fut formel : la meilleurs bière était celle des nains !
Mais accepteraient ils d'en fournir à un de leurs concurrents ?
De plus, le seul bar nain de la ville avait brûlé accidentellement avec tout son quartier il y avait quelques jours de cela. Il ne restait plus qu'une source d'approvisionnement possible : un bar à mi-pente de la montagne noire qui fournissait les nains travaillant dans les mines (cette montagne était d'après la rumeur un vrai gruyère).

Mais Tonhnon était optimiste : le destin lui avait toujours souri et il savait qu'une fois de plus il devait faire confiance à sa bonne étoile :
Il proposa donc d'aller demander gentiment au tenancier de cet établissement. Bien qu'un peut complexe ce plan reçu l'approbation des deux Trolls (ils avaient proposés d'aller se servir directement mais reconnurent qu'ils ne savaient pas où les tonneaux étaient rangés et qu'il était plus simple de demander).
Shraam était nettement plus dubitatif mais de toute façon il fallait quelqu'un pour garder le bar. Jrojro de son coté étudiait le potentiel de croissance compte tenu de la zone d'implantation, ou tout du moins prétendait le faire...

Encadré des deux Trolls, Tonhnon commença l'escalade de la montagne. Très rapidement il fut distancé et dut faire une halte bien méritée. Il médita longuement en fixant le ciel sans nuage au dessus de sa tête. Lorsqu'il repris sa route ses idées étaient claires et son discours et ses arguments affûtés. Il les convaincrait !

Le « Gros Tonneau » était un établissement construit grâce à la science des nains : Comme encastré dans la montagne il pouvait contenir un nombre de clients impressionnant et d'après les « ont dit » ses réserves s'enfonçaient profondément dans la montagne. Et tous leurs produits étaient de première qualité, importés à prix d'or de la terre des nains.

Tonhnon fit son entrée. Le bruit, assourdissant un instant plus tôt, fit place à un silence pesant : il était le seul « peau verte » de l'assemblée et tout le monde avait les yeux fixés sur lui.
« Bonjour Amis ! » Une chope le bière vide le percuta en plein front et la salle explosa dans un rire gras et sonore.
Lorsque le calme revint Tonhnon, sans se départir de son sourire de bon aloi, repris la parole : « Bonjour mes Frères ! Je suis venu vous apporter un message de paix et de joie ! Mes camarades et moi venons d'ouvrir un débit de boisson en ville et nous voulons faire de ce lieux un endroit de confraternité entre les peuples ! Ecoutez mes paroles et rêvez avec moi d'un monde où il n'y aurait plus de guerres mais où les êtres de toutes origines pourraient se retrouver autour d'une chope ! »
Le nain le plus proche écrasa une larme...
« Ce n'est pas une utopie, je crois en un jour où tout ceci sera vrai et ce jour sera demain ! Il suffit que nous nous donnions la main... et que vous nous donniez un peu de bière... »
Un court silence fut suivi d'un éclat de rire général.
Mais un nain fit irruption dans la pièce : « Pendant que le nabot faisait diversion des Trolls ont attaqué le convoi et volé une carriole pleine de tonneaux de bière ! »
L'hilarité retomba aussitôt et Tonhnon put lire dans les regards de l'assistance une légère désapprobation et peut être même une pointe d'énervement.
« Heu... vous ne pensez tout de même pas que ceci faisait parti d'un plan ourdit contre vous ? Je vous assure qu'il s'agit d'une coïncidence... »
Le barman regarda un tonnelet vide qui gisait dans un coin : « Vous croyez qu'il tient là dedans ? »

Une voix s'éleva : « En tassant bien... »

Tonhnon s'extirpa difficilement des débris du tonnelet : il avait dévalé toute la montagne et avait fini sa course contre un obstacle inopportun.
Encore assis sur son fondement, incapable de se lever, il hurla en prenant le ciel en témoin « Ce Peuple est incapable de maîtriser ses pulsions et ses membres se comporte en animaux ! Comment discuter avec des êtres qui allient le goût de la violence des Orcs et le culte de la bêtise des Trolls ? ! ? ! »
L'instant d'après le Troll contre lequel le tonnelet s'était écrasé le projetait par dessus la maison la plus proche et il s'écrasait de nouveau mais cette fois ci sur le pavé irrégulier de la rue principale.

Il rejoignit difficilement « Le Troll qui pète » et se laissa tomber sur une chaise.
« Je vous sert quelque chose ? ». Tonhnon leva les yeux et poussa un hurlement en tombant de sa chaise : Shraam lui faisait face et le fixait avec un regard vicieux et cruel, son épée ouvragée dans sa main droite détonait avec le plateau qu'il tenait de la main gauche. Il se releva difficilement, les émotions de la matinée l'avaient épuisées.
Gnü et Gnä finissaient de décharger la charrette qu'ils avaient croisée et avaient récupérés, en oubliant de prévenir leur compagnon.
Il faudrait immanquablement du personnel, des serveurs par exemple.
Jrojro promis de s'en occuper. Surtout qu'il prévoyait un afflue massif de clients : pour pousser à la consommation il avait empoisonné les principales sources d'eau potable de la ville. En apprenant cela Tonhnon fut pétrifié. Mais il n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit car un bruit effroyable retentit à l'extérieur.
Un rocher gigantesque venait de s'abattre sur la maison d'en face et les passants regardaient le ciel avec des yeux où se lisaient l'inquiétude et la curiosité. Par réflexe Tonhnon se tourna vers Gnü et Gnä mais ils avaient l'air visiblement aussi étonnés que les autres.
Chacun s'apprêtait à retourner vaquer à ses occupation quand le bruit se fit entendre de nouveau, cette fois ci c'est la maison à droite de l'auberge qui venait d'être touchée. Saisi d'une sombre pensée Tonhnon monta rapidement sur le toit de la taverne rapidement rejoint par ses compagnons : au loin on apercevait une catapulte naine servit par une dizaine de guerriers et d'ingénieurs. « Heu... aurais omis de vous transmettre leur ultimatum de deux heures pour rendre la bière où ils se vengeraient sans pitié ? »
Ses camarades se tournèrent vers lui avec un air mauvais (enfin... Gnü et Gnä avaient plutôt un air bovin mais bon...).
Heureusement le bon droit était de leur coté et leur inspira une solution rapide ! Tout d'abord Jrojro mis le feu au pâté de maison le plus proche ! De cette manière il dissimulait le bar derrière un rideau de fumée de premier ordre. Cela donna le temps à Shraam de se procurer un véhicule rapide et Gnü et Gnä montèrent aussitôt, prêt au combat, dans la carriole du généreux donateur mort pour la cause.
Malheureusement les nains les virent arriver de loin et se mirent en position, l'arbalète au poing, prêt à les recevoir. Les Trolls entreprirent donc de démonter l'arrière du véhicule pour s'en servir comme projectile. La roue arrière gauche fit merveille mais leur élan fut stoppé net lorsque les nains tuèrent les chevaux. Il ne furent sauvé que par la présence d'esprit de Shraam, d'une ingéniosité imbattable dès qu'il s'agissait d'agresser son prochain. Avec le fond de la carriole il se firent un bouclier géant et chargèrent sans visibilité. Au corps à corps le nain est un adversaire dangereux mais contre deux Trolls furieux et un Orc en grande forme ce fut un massacre.
Shraam, un rictus mauvais sur les lèvres demanda aux Trolls de retourner la catapulte et ils se firent un devoir de renvoyer chez eux tous leurs agresseurs, puis, espérant que le message avait été compris, détruisirent consciencieusement la machine et rentrèrent.

En ville le feu s'était propagé, mais pas du coté du « Troll qui pète », ils reprirent donc leur activité comme si de rien n'était. Tonhnon repris connaissance un peu plus tard au milieu de la rue et se promis de ne plus jamais improviser de danse de la joie sur un toit. Jrojro de son coté, était le seul à aider la population à lutter contre l'incendie : il s'était mis à vider les maisons touchées de tout ce qui pouvait avoir de la valeur... il pillait quoi...

Tonhnon ne savait que penser. La tentative de rapprochement avec le nains avait été un échec et il était même probable qu'ils n'aient mal pris la destruction de leur engin et le meurtre de leurs soldats. Il résolut de faire abstraction de ce petit problème passager et décida de privilégier, sur le court terme tout du moins, le rassemblement des Trolls, Gobelins et Orcs. Plus tard viendrait l'unité de tous les peuples, mais il avait voulu faire trop vite et trop bien. Chaque chose devait venir en son temps. Il se promis de ne pas oublier la leçon et rentra dans l'auberge.

Le soir tombait, quelques maisons finissaient de se consumer et tous ceux qui avaient lutés contre les flammes, assoiffés, marchaient maintenant vers le bar le plus proche.
L'inauguration serait un succès, Tonhnon en était sûr. Serait elle calme ? Il en était beaucoup moins sûr....